Nos lecteurs n’ont pas manqué de suivre les aventures de notre reporter vedette Albert Blondin, retrouvé il y a quelques semaines dans une base attaquée par les Thargoïds alors qu’il était poursuivi par de mystérieux adversaires (Vox Veritas, édition du 8 avril 3305). L’enquête menée par les services du Consilium permet maintenant de mieux comprendre les raisons de cette traque dont Albert Blondin a été la victime : le journaliste détenait sur lui un article, daté d’il y a tout juste un an (20 avril 3304), relatant la prise de Kalak par l’organisation Medicorp. Certains dignitaires du Consilium pensent que les révélations retentissantes contenues dans ce reportage pourraient expliquer la course-poursuite effrénée qui contraignit Blondin à fuir et disparaître. Quoi qu’il en soit, et malgré le long retard mis à publier l’article, la rédaction a jugé qu’elle ne pouvait plus passer sous silence ce reportage, qui en dit long sur les comportements peu reluisants des prétendus gardiens de la Galaxie drapés dans leur pacifisme.
Albert Blondin reçoit de nombreux témoignages de soutien depuis son retour. Nous avons le plaisir de vous annoncer qu’il se remet peu à peu de ses traumatismes. Conformément à l’avis des médecins qui lui ont conseillé le repos, il découvre ce moment les joies du minage à bord d’un T7, en compagnie de bouteilles d’UAlcool aux épices aimablement offertes par ses supporters. Il devrait bientôt être en état de nous écrire de nouveaux reportages dont il a le secret, objectifs, honnêtes, sereins, semblables à celui-ci.
La rédaction du Vox Veritas
Noms de code: « chatons »
20 avril 3304.
Les pauvres hères qui suivent Mme de Messalina depuis son départ du Consilium ne se contentent plus de rapines et de piraterie pour subsister: ils ont entrepris de conquérir le système Kalak. Et le moins qu’on puisse dire est qu’ils ne font pas dans la dentelle.
Les Atlantes s’embourgeoisent. Le romantisme sombre de la “horde nomade” les lasse. Ils rêvent de s’installer. Et pour parvenir à leurs fins, les prétendus chevaliers errants voués à la recherche de la vérité tombent le masque, et révèlent leur vrai visage de hors-la-loi prêts à tout.
Avide de conquêtes, Mme de Messalina n’aura pas mis longtemps en effet à retrouver ses vieux réflexes: ayant jeté son dévolu sur un système riche et peuplé, mais peu enclin à accueillir sa brochette de déguenillés, elle utilise les grands moyens pour se tailler une place au soleil sur Kalak. La leader de la Wing Atlantis a entraîné comme il faut sa bande de gueux: ils sont sur le point de chasser du système deux factions pacifiques implantées là-bas depuis longtemps. Rien n’est épargné pour atteindre cet objectif: ni le meurtre, ni le trafic d’armes, ni la contrebande de narcotiques, ni même le commerce d’esclaves, maquillé sous le nom de code “chatons”. Les traîne-misères de la Wing sont à bonne école, sous les ordres de Mme de Messalina: chassez le naturel, il revient en supercruise.
Face à un pareil aventurisme politique, au rebours de toutes les proclamations prononcées par le leader des Atlantes, qui doutera que Medicorp est autre chose que la façade respectable d’une entreprise destinée à soutenir les visées impérialistes de la Wing Atlantis? On sauve quelques vies pour donner le change: et on en massacre beaucoup d’autres, en fonction des ambitions que l’on poursuit. Celles de Mme de Messalina sont transparentes: elle veut à toute force retrouver son pouvoir et son influence dans la galaxie.
Allons, Madame la conquistador: encore un effort! quand vous aurez bien massacré et assassiné, soutenu les terroristes et enrichi les margoulins, peut-être vous réveillerez-vous enfin? Un pas de plus, et vous vous déciderez peut-être à vous attaquer plutôt à nos vrais ennemis, les Thargoïds? A l’heure où la vermine xénomorphe s’est glissée jusqu’au coeur de la bulle humaine, il n’est que temps de prendre vos responsabilités. Vos prétendus agents secrets “Prisme” se sont contentés jusqu’ici d’asticoter quelques Cyclopes, comme des matadors plantant des banderilles pour exciter les taureaux. Que ne leur ordonnez-vous enfin de donner l’estocade?
En attendant, le système jusqu’ici tranquille de Kalak est en passe de tomber aux mains de soi-disant ambulanciers, qui en réalité tiennent plutôt de mafiosi que de sauveteurs humanitaires. Du train où vont les choses, ce n’est pas le fondateur du prix de la paix que l’on commémorera à Nobel Terminal, mais plutôt l’inventeur de la dynamite.
Albert Blondin